L'espace des solitaires

 L'ESPACE DES SOLITAIRES

réservé aux moines 

il se compose 

du grand cloître et des cellules.

Au Port Sainte Marie cet espace présente plusieurs traits originaux :

le nombre de cellules (19)  et un cloître aux dimensions particulièrement importantes.   

     

      Le grand cloître 

       

Pôle désertique de la chartreuse, il se caractérise par ses dimensions et sa grande sobriété. Il permet un isolement quasi total de chaque père et un calme absolu.

 Il concrétise  le désir premier de la vie monastique de se retirer du monde, de s’enfermer dans la closure exigée par la règle.  

In BERK, Bernard.-Jardin monastique, jardin mystique.

En chartreuse, le cloître ce n'est ni un espace de méditation, ni de déambulation mais un lieu de passage entre le centre religieux et les cellules. Au centre du cloître se trouvait une fontaine entourée de verdure. Cette situation est régulière dans les monastères. L'eau pure qui coule de la fontaine s'oppose aux eaux dormantes du péché. La fontaine est associée selon les cas à la grâce de dieu, aux vertus chrétiennes, au sang du christ et sa forme peut être adaptée à cette symbolique.

Le cloître a été entièrement reconstruit d’après un plan de 1676. Initialement, il était moins étendu et orienté différemment (dans la même direction que l'église). L'aménagement de cet espace a donc été repensé, et toute l'architecture modifiée. Le nombre de cellules portées à 19, les cellules d'angles permettant d'équilibrer l'ensemble.

 

"le cloître , qui prenait son jour côté de la cour intérieure était formé par 96 arcades en pierre de Volvic .Dix neufs cellules étaient construites autour du cloître " (Mioche . Les ruines et le reste du mobilier... p.6-7)

     

 Le cloitre était entouré d'une galerie pavée et voutée qui a fait l’objet de fouilles archéologiques montrant son élargissement lors de la reconstruction de 1,70m à 2,70m.

Une évolution qui traduit la monumentalisation du coeur de la chartreuse

Dix-sept cellules ont leur entrée par le cloître et deux autres par un prolongement de l’allée couverte. Au-dessus de chacune d'elles figurait une lettre pour l'identifier.

  A côté de l'entrée de la cellule, une petite porte de bois fermait un passe-plat en arc de cercle. Le moine de service porte le repas aux ermites. Le passage est ménagé dans le mur de façon oblique, de sorte qu'ils ne peuvent pas se voir et ne sont pas tentés de se parler, même par signes.

La porte de la cellule était munie d'une serrure du Moyen Age: la vertevelle

   

         LA CELLULE 

Ces fonctions et les aménagements sont fixés dés le XIéme  siècle.

C'est une sorte de monastère individuel. Un espace dans lequel le moine chartreux mène une vie érémitique : c'est-à-dire qu’il suit un vie contemplative dans la solitude et le silence. 

       

  

            

 C'est un espace aux dimensions importantes pour une seule personne : prés de 250 m2. Une surface qui s'explique par le fait qu'elle abrite toute la vie du moine : il y dort, mange, travaille, étudie, prie, officie, se promène et cultive.   

                  

une cellule "type" en 1882 la grande chartreuse..., Genoble,1882

           Les différentes partie de la cellule 

L'architecture des cellules a varié au cours des siècles avec une organisation sur un ou deux étages 

mais avec toujours une organisation en plusieurs espaces ayant chacun une fonction précise.

 Une fois franchi lporte, on pénètre dans l’Ave Maria

 lieu  essentiel et sanctifié qui communique avec le chauffoir l’atelier et le promenoir.

Pour ses temps de "récréations" le moine dispose du promenoir, corridor de 13 m de long qui abrite un évier. Chaque cellule est équipée de canalisations pour l’approvisionnement et l’évacuation des eaux.

A l'extrémité de la pièce se trouvent les latrines, les matières s’évacuent à travers un conduit en brique vertical en brique. C’est dans les conduits des latrines qu’ont été dégagés divers mobiliers : restes osseux, céramiques (cruches, écuelles, burettes, verres culinaires).

 Le chauffoir tire son nom de la cheminée qu'il accueille, la seule de toute la maisonnette. Elle sera par la suite remplacé par un poele. La présence de charbons fossiles analysés suite aux fouilles laisse supposer que les moines devaient s’approvisionner  dans le bassin de Saint Eloy.

          C'est la présence de ce point chaud qui explique que le moine s’adonnait en ce lieu à certains  travaux comme la copie de manuscrit car l’encre ne gèle pas et sèche plus vite

 

Le Cubiculum  est  réservé au repos, à l’étude.

Le moine, dans sa cellule, étudie en particulier la « lectio divina » qui sert de support à la contemplation. Certains moines ont pu écrire. Pour le XVIIème on connait les écrits de Dom Jean Claude de la Roche  prieur de la maison  (1686-1707) et de Dom Gerle.

Cet espace est meublé sobrement d’un "lit à la chartreuse" armoire fermée par des volets en bois pour se protéger du froid, d’une table appelée réfectoire sur laquelle le moine prend ses repas.

et d’un cabinet de travail composé d’une table, d’un pupitre et de quelques rayons portant des livres. Les bibliothéques des moines sont plutôt importantes comme en témoigne l'inventaire de 1791

Etat des bibliothéques des cellules 

  1. Dom Perchier : « l’oratoire du dit religieux, et sur les tablettes avons remarqué L’histoire de monsieur de Bufou en brochure et incomplette, deux dictionnaires, une histoire de vie de saints en deux volumes infolio, La médecine domestique en cinq volumes petit inqo, lesquels livres le dit religieux nous a dit lui appartenir en propre, et les avoir acheptés de ses propres deniers et finalement dix a douze ascetiques ».
  2. Dom Piquard : « quatre vingt dix livres grands ou petits ».
  3. Dom Bruno Foucher : « une douzaine de livres ».
  4. Frère jacques Michenau : « quelques livres ».
  5. Frère Bernard Depen (ou u) rier : « quinze livres ».
  6. Frère Claude Cost : rien.
  7. Frère Joseph  Delere : rien. Problème de vue.
  8. Frère Bruno Depen (ou u) rier : « quarente livres grands ou petits à l’usage dudit frère, et qu’il nous a dit avoir achepté de ses deniers propres ».
  9. Dom François Bertrand : « une bibliothèque composée de soixante six livres grand ou petits ».
  10. Dom Antoine Rampand : « cent et sept livres grands ou petits
  11. Cellule destinée au prieur :  « l’oratoire dudit religieux garni d’un Christ en hivoire » ; « vingt un livres dans ledit oratoire » ; « et dans un cabinet a côté avons trouvé cinquante huit grands livres et soixante deux petits ».
  12. Frère Jean Rochefort : « quinze livres grands ou petits ».
  13. Dom François Bonnet : « vingt cinq livres ascétiques ou théologie ».   

L’oratoire, lieu de prière et de méditation, cellule au cœur de la cellule est l’espace le plus éloigné du cloître.

Il est équipé d’une stalle et d’un prie-Dieu où le moine récite une partie de l’office et s’adonne à la contemplation.

 L’ensemble de ces pièces sont carrelées en petites tomettes rouges posées en quinconce.

Pour se maintenir en bonne santé et faciliter ses temps de recueillement, le moine dispose d’un jardin et d’un atelier

 qui mettent à l’honneur le travail manuel et favorisent la concentration intérieure. Le chartreux travaille en fonction de ses compétences. 

L'atelier

 Le travail en cellule procure aux pères une activité physique. C'est une manière de participer humblement à la condition humaine. Au Port Sainte Marie, les moines, d'après les documents et les fouilles archéologiques, mènent des travaux de menuiserie,  de tournerie sur os et ivoire. La tournerie est mentionnée dans la règle de l'ordre en 1676 mais au Port elle es attestée des 1600. il réalisent aussi des objets en marqueterie de paille et fabriquent des cadrans solaires (pour en savoir plus sus les chartreux et la gnomonique ),

Le jardin

 En forme de L, il est cultivé par le moine mais il n'est pas un espace de production. Il est équipé d’une citerne ou d’un puits.

 


Les études archéologiques indiquent la présence de noisetier, de buis et de pin et une forte  représentation de chicorée parmi les pollens.),

 


L'inventaire de décembre 1790 nous donne une description de l'aménagement des différentes cellules ce qui permet en particulier de connaitre l'outillage dont disposaient les moines dans leur 
atelier.

Descriptif de la cellule de Dom Félix Richon :

  «Ensuite sommes entrés dans la selulle de dom Felix Richon, etant dans le salon avons remarqué qu’il y a trois petites tables, six chaizes, les ustancils de feu, pelle, pincettes, soufflet a l’usage dudit religieux, ainsi qu’une bouteille, pot à l’eau, et quelques verres a l’usage dudit religieux trois pintous d’étaing, douze serviettes, deux ceuilieres et deux fourchettes en argent, et quelqu’autres linges servant de torchons pour essuyer les mains, autour dudit salon huit grandes estampes et treizes petites, et dans la chambre a coté dudit salon, avons trouvé le lit a l’usage dudit religieux avec trois couvertures catalogne, l’oratoir dudit religieux, un petit bureau en menuizerie, les livres a l’usage dudit religieux, consistant en dix infolios , huit inquarto, soixante indac, huit grandes estampes et douze petites autour de laditte chambre, deux chaizes en paille et un fauteuil en etoffe de laine couleur de prusse et un ban portant un petit coffre, tout quoi ledit religieux a dit lui etre nécessaire pour son usage, et nous a déclaré avoir un matelat et quatre drats de lit a son usage en cas de maladie.» (folio 5)

«De la dans le laboratoire dudit religieux où nous avons trouvé un tour à maindrain, un tour à pointes, deux scies à main, deux rabots, deux verlopes, et autres outils à l’usage dudit religieux, de tout quoi il s’est chargé, et a signé et signe frère Félix Richon». (folio 5)

La proximité du centre religieux explique la présence de cellules attachées à des fonctions particulières : prieur, sacristain, pharmacie.

La cellule du prieur  

Le prieur est le responsable du monastère. Elu par la communauté, il a pour mission de conduire la communauté selon l'esprit de l'évangile.

Responsable de la gouvernance administrative et religieuse du monastère selon la tradition de l'ordre, son action est contrôlée tous les deux ans

par deux pères visiteurs venus de la Grande Chartreuse pour une « visite canonique".

Au cours des siècles 50 prieurs ont géré la maison du Port Sainte Marie.

Les moines et les convers lui doivent obéissance. Le prieur doit veiller à leur formation et favoriser leur accès aux textes bibliques et écritures monastiques en leur procurant des ouvrages.

           

La cellule du prieur, à proximité des bâtiments d'accueil et de la cave, comportait en plus des autres cellules  :

une chapelle (36),

une galerie parloir (33),

- une bibliothèque (37)  :

L'inventaire de mai 1790 indique : "avons remarqué qu'il y a en livres ecclésiastiques cinq cents volumes in folio ou in 2° cent soixante douze in 4° et environ douze cents in 8° ou in 12° plus nous avons trouvé plusieurs autres vieux livres dans un cabinet séparés de la bibliothèque relies ou en brochures et de peu de valeur ". Ce texte  précise la situation de la bibliothèque : "de la nous sommes entrés dans la cuisine".

De tout temps, les Chartreux ont donné une grande importance à la bonne composition de leurs bibliothèques, car ils considèrent le couvent qui manque de livres, comme un camp dépourvu des armes les plus nécessaires à sa défense. Pour Saint Bruno, l’activité scientifique et littéraire est une des conditions de la vie religieuse et contemplative. La bibliothèque fournit une nourriture qui ne périt point mais vit éternellement. Les premiers statuts de l'ordre  présentent les livres comme" l'éternel aliment de l'âme"

C'est le père sacristain qui s'occupe de la bibliothèque. C'est lui aussi qui distribue le travail de copie aux moines avec le matériel nécessaire :  le parchemin, la craie, les plumes et l'encre.

   

   

      

Ouvrages venant de la bibliothèque du Port  (collection de particulier)

Modifié le: Thursday 12 October 2023, 01:13